Article: Un mur empiétant sur une servitude de passage constitue un trouble illicite et doit être démoli

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 16 décembre 2021, RG n° 20/10272

Cour de cassation, 14 décembre 2023, n° 22-14.644

Dans ce dossier, un particulier décida de diviser son terrain en plusieurs lots, un premier où il demeure et dont il souhaite conserver la propriété, et deux autres destinés à la vente. 

Ce dernier a donc par la suite vendu un lot à des acquéreurs en vue d’y faire construire leur maison individuelle. 

A noter, que pour permettre l’accès aux lots, le propriétaire avait constitué deux servitudes de passages. Une première grevait le terrain vendu au profit de la parcelle destinée à la vente et une seconde, constituée au profit du fond cédé, grevait la parcelle où se trouve l’habitation du propriétaire et donnant accès à la voie publique. 

Lors des travaux de construction, les acquéreurs dégraderont fortement le chemin d’accès. 

Surtout, ces derniers implanteront une clôture grillagée en méconnaissance totale de l’assiette de la servitude grevant leur lot, ne permettant plus l’accès normal à l’autre parcelle et ayant comme conséquence d’empêcher la vente du lot n°2 en raison d‘un accès insuffisant. 

Se plaignant du non-respect de l’assiette de la servitude par les acquéreurs, le propriétaire sollicitera la mise en œuvre d’une expertise judicaire ayant pour mission de déterminer les désordres, leurs causes et les moyens propres à y remédier.

C’est ainsi, que l’expert judicaire constatera un empiètement de la clôture grillagée de 5,20 mètres sur la servitude d’accès. 

Cependant, et plutôt que de suivre les instructions de l’expert, les acquéreurs décideront de doubler la clôture illicite par un mur avec piliers, aggravant par conséquent l’illicéité de l’ouvrage.

C’est dans ce contexte que le requérant, représenté par Me MARQUES, saisira le tribunal judiciaire afin que ces troubles cessent enfin. 

La juridiction ordonnera la démolition du mur et des piliers empiétant sur la servitude de passage ainsi que la remise en état du chemin d’accès dans les mêmes caractéristiques qu’avant sa dégradation, le tout sous astreinte. 

L’affaire sera ensuite jugée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, laquelle confirmera la décision rendue par la juridiction de premier degré en ces termes :

« En conséquence, dès lors que la clôture érigée par Mme G et Mme H en limite de la propriété du fonds servant et du fonds dominant réduit la servitude de passage dont bénéficie M. F en vertu de l’acte de vente du 26 mars 2018, elle constitue un trouble manifestement illicite justifiant la mesure de remise en état ordonnée par le juge de première instance.

(…)

Dès lors qu’il est établi que Mme G et Mme H ont mis un obstacle à l’exercice de la servitude de passage dont bénéficie M. F en laissant des cailloux, des gravats et des crevasses sur la partie se situant avant la rampe d’accès aménagée en béton, ces éléments caractérisent un trouble manifestement illicite justifiant la mesure de remise en état ordonnée par le juge de première instance concernant la partie du chemin non bétonné ».

A noter que les acquéreurs iront même jusqu’à former un pourvoi en cassation, lequel sera rejeté par décision du 14.12.2023.

En effet, les décisions rendues par le Tribunal judiciaire et la Cour d’appel s’inscrivent parfaitement dans le courant de la jurisprudence constante rendue par la Cour de cassation, selon laquelle la mesure de remise en état reste la principale sanction d’un droit réel transgressé.

V. en ce sens : Cass. 3ème Civ., 17 décembre 2003, n° 02-10300