Tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence, 11 octobre 2022, N° minute 22/2922
Parce qu’il est un droit inviolable et sacré, le « domicile » bénéficie d’une protection particulière, notamment en matière de constat d’infractions d’urbanisme.
C’est ce qu’illustre le jugement rendu le 11 octobre 2022 par le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence, lequel a constaté la nullité du procès-verbal d’infraction, ainsi que de l’ensemble de la procédure qui en découle, en raison de l’absence du consentement de l’habitant à de telles constatations.
Les faits de l’affaire :
Titulaire d’un permis de construire l’autorisant à entreprendre différents travaux de rénovation sur sa maison d’habitation, un particulier débutait le chantier peu après.
Pendant les travaux, ce dernier décidait de modifier légèrement les ouvertures prévues par le permis et, surtout, faisait construire un bassin de nage sans autorisation, le tout en espace boisé classé.
Près d’une année plus tard, les agents assermentés du service de l’urbanisme visitaient les lieux et faisaient dresser un procès-verbal d’infraction.
Le propriétaire se retrouvera par la suite cité à comparaitre devant le tribunal correctionnel en raison ; il encourrait, outre le paiement d’une amende, la remise en état des lieux par démolition du bassin.
Le prévenu saisira Me Raphael MARQUES pour le défendre, lequel opposera, avant toute défense au fond, la nullité du procès-verbal d’infraction en ce que les agents verbalisateurs n’avaient pas recueilli l’assentiment de la personne avant de pénétrer dans la propriété et procéder aux constatations.
En effet, le respect du domicile est protégé :
- A l’échelon européen : l’article 8 CESDH proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
- A l’échelon constitutionnel : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 dispose dans son article 17 que la propriété est un droit inviolable et sacré.
- A l’échelon, le droit de visite est encadré par l’article 432-8 du code pénal qui punit « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi […] ».
De plus, la Chambre Criminelle de la Cour de cassation sanctionne traditionnellement de telles constatations recueillies sans assentiment :
« d’une part, la description du chalet comme lieu d’habitation et de villégiature, même non permanente, ne saurait à elle seule exclure sa qualification de domicile, au sens que lui confère l’article 8 de la Convention, de sorte que le recueil de l’accord du propriétaire, dont elle a constaté qu’il faisait défaut, était nécessaire à l’agent pour procéder à la visite.
D’autre part, en estimant que la nullité invoquée n’était pas fondée en raison du fait que les constatations pouvaient être faites depuis la voie publique, tandis qu’elle admettait que l’agent était bien entré dans la propriété sans autorisation, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».
Crim. 25 janvier 2022, n° 20-84.185
C’est donc en toute logique que le Tribunal correctionnel retiendra, dans son jugement du 11 octobre 2022, la nullité du procès-verbal et de l’ensemble de la procédure pénale :
« Attendu qu’il convient, au vu des éléments du dossier et les débats, de faire droit à l’exception de nullité soulevée par la défense ;
Qu’il y a lieu, en conséquence, de constater la nullité du procès-verbal du 13 janvier 2013 et de l’ensemble de la procédure subséquente. »
En effet, et les poursuites pénales étant fondées sur ce seul procès-verbal, le particulier n’était plus inquiété.
A noter enfin que la jurisprudence de la chambre criminelle et de la Cour européenne des droits de l’homme a conduit le législateur à encadrer les conditions de telles constatations dans un article L.480-17 du Code de l’urbanisme, lequel dispose désormais :
« Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent être visités qu’entre 6 heures et 21 heures, avec l’assentiment de l’occupant ou, à défaut, en présence d’un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction. Cet assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé».